Le thème 2012

Dans l’ombre


L’ombre, c’est la partie non éclairée, reproduisant la forme du corps opaque qui intercepte la lumière. C’est cette zone de clairs obscurs mystérieux qui module l’œuvre, la lumière n’étant là que pour affirmer les zones d’ombres. La lumière exprimée dans l’œuvre affecte directement la tonalité, elle donne les impressions générales d’espace. Elle affirme et accentue le caractère recherché dans la composition  mais aussi dans les sentiments. C’est particulièrement caractéristique chez les utilisateurs du noir et blanc, les graveurs et les photographes. Ils ne modèlent leurs images qu’à l’aide du noir et du blanc. Dans la peinture classique les ombres sont souvent données par le noir ou par les bruns. Les impressionnistes, puis  ensuite les fauves et les nabis ont utilisé les couleurs complémentaires pour figurer les ombres. On peut donc observer dans certaines œuvres, que le noir est composé de couleurs, c’est une impression colorée riche et subtile. On peut remarquer sur le cercle chromatique des couleurs, les couleurs sont placées par intensités colorées, les couleurs claires et lumineuses d’un côté et les couleurs froides et atténuées de l’autre côté. C’est peut-être dans la seconde zone que l’on peut imaginer créer des noirs colorés.  Une animation que nous connaissons tous est celle des ombres chinoises, spectacle dans lequel les personnages sont des silhouettes noires, fortement éclairées en arrière et apparaissant sur un écran transparent (théâtre d’ombres).   Quand on observe les œuvres de Caravage et de sa façon d’exprimer l’ambiance et de raconter l’espace, on s'aperçoit que les personnages sont modelés par des faisceaux de lumière. Il peut être reconnu comme le maître du clair-obscur  et des ambiances dramatiques. Les clairs obscurs sont aussi très accentués chez Georges de la Tour en utilisant simplement la lumière d’une bougie.  A remarquer aussi Le Nain, Vermer et surtout Rembrandt, tant dans ses gravures que dans sa peinture. Quelques expressions imagent un peu ce thème comme : l’ombre d’un doute, lâcher la proie pour l’ombre, suivre quelqu’un comme son ombre, l’ombre d’un mystère, demeurer dans l’ombre...Il semble dans ces images - dans l'ombre de ce qu'elles représentent-  qu’il y a un sous-entendu. Autrement dit la question de l’apparence : que faut-il voir ? La lumière qui caresse tout d'un même éclat, et ne fait pas de différence entre ce qui a de la valeur ou ce qui n’en aurait pas, pourrait en effet en être le principal sujet. De ce fait l’ombre portée des éléments redessine les formes, les contourne partiellement, les affirme, les brise, les recomposent, et pose le problème : que regardons-nous. Un jeu entre le blanc les gris le noir, ou tels ou tels chose, objet, sujet ? Nous tentons de donner un sens à ce que nous voyons. Un sens, c’est-à-dire trouver une orientation, des repères, à raconter ce que nous choisissons de voir, que l’artiste a peut-être voulu mettre en lumière justement, ou cacher dans l’ombre pour voir si nous sommes perspicaces, comme pour jouer , et attirer notre attention sur ce que nous mettons au rebut,  que nous ne penserions même pas à regarder, ou même rejetons par habitude, que sais-je ? Ce qui est admit généralement comme beau et digne de recevoir un tel éclat ? L'artiste acteur de son propre regard qui nous dit : vous êtes responsable de ce que vous voyez,  vous seuls décidez de ce qui est digne d’être vu, d'être montré, et là ce peut être critique pour une forme d'art au service d’un pouvoir, et au-delà même d’une prétendue mission de déranger, dénoncer des clichés, tout ce qui serait un peu convenu etc... C'est un peu hard, ou bourré de poésie, c'est selon le regard du spectateur, mais à méditer...


Michel Savattier et Catherine Noizet Faucon plasticienne, ex-conférencière au Musée des Beaux-Arts de Lyon